Népenthès, tout ce qui dissipera la tristesse

C’était une sorte de gros organe, plein d’eau, des fuites de partout, l’eau qu’on essayait même plus d’écoper. Un truc prêt à exploser et à se répandre partout. « Maman, c’est quoi la tristesse », avait demandé Max.

La tristesse, c’est ça mon fils, un gros organe logé au fin fond de toi, qui n’attend que la petite fêlure nécessaire à ce qu’il s’épanche, que l’eau ruisselle de partout, qu’elle inonde, qu’elle envahisse les moindres recoins de ta vie, sans que tu sois capable d’arrêter toute cette flotte. Il faut juste attendre qu’elle passe, l’accueillir, l’écouter et la cajoler. Paradoxalement, en prendre soin. Parce qu’on ne peut pas en vouloir à la tristesse et qu’elle n’est jamais illégitime. Elle est juste là, elle te saisit quand tu t’y attends le moins, au détour d’une gorgé de jus de fruits, c’est un monstre qui surgit quand tout le monde est parti, mais qui peut parfois toquer à ta porte quand les invités sont encore là et qu’il manquera toujours quelqu’un. C’est dégueulasse la tristesse, c’est poisseux, ça colle, ça arrive juste après la colère, une fois qu’elle a quitté la pièce sur la pointe des pieds. Prendre des douches n’y changera rien, se réfugier au fond de son lit non plus, il faut que la vie continue dit-on, et c’est vrai, mais quels autres enchaînements que les larmes et encore les larmes ? Naturellement il va falloir du temps, des heures et des jours pour qu’elle change de forme, qu’elle soit plus douce et devienne d’abord un simple souvenir douloureux quand on l’évoque, jusqu’à n’être plus qu’une image, sur fond de « tu te souviens quand ? ».

C’est ça la tristesse mon fils, le fruit d’une injustice qui vient dévaler l’escalier pour se blottir sur tes genoux, quelque chose dont tu ne peux te défaire, bien solidement attaché à tes chevilles, tes poignets, aux racines de tes cheveux. Petit à petit, les noeuds se dénoueront, les muscles se détendront, les larmes vont finir par se tarir. Le soleil reviendra alors que tu le croyais à jamais disparu, niché dans les nuages les plus épais de ton existence. Ce n’est pas le vent ni la tempête qui éclaircira ton ciel, juste le temps. Parce qu’au final, il manquera toujours quelqu’un sur ce fauteuil, dans le jardin, sur le marché, aux anniversaires et aux mariages, aux naissances et aux souvenirs. Simplement, il faudra le faire vivre encore et surtout ne jamais oublier de le faire.