Mon amour

Cher amour,

je ne compte plus les mois qui nous séparent, je ne compte plus non plus les moments que nous aurions pu passer ensemble. Ton départ de ma vie, avec les cris et les larmes qu’on suppose, n’est plus la douleur des premières semaines. Je respire à nouveau. Je retrouve mes amis, mes amants d’avant ton arrivée, je repartage mes idées, mes envies et mes nuits. Il n’y a rien qu’on ne puisse regretter tu sais. Nous sommes si différents et nos chemins respectifs ne représentent plus rien pour toi ni pour moi, il n’y a d’amour que lorsqu’il y fluidité et sincérité et tes faux semblants n’ont fait que nous éloigner petit à petit. Je me sens si légère, si tu savais, de mes nuits je n’ai que le souvenir des douceurs et mes jours se sont remplis de joies et de peines, comme si j’étais à nouveau en vie, comme si j’avais envie.

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Ce sont quatre femmes

Attablées autour d’un verre chacune. Quatre femmes, quatre vies qui se ressemblent, quatre situations dans un même monde, de l’absence au manque, du retour au départ, de la culpabilité à l’angoisse et des clins d’oeil aux larmes. Des sourires qui fusent à travers les anecdotes de chacune. De celles qu’on tait aussi, de celles que l’on sent et d’autres que l’on entend. Le serveur tend une soucoupe de chips, les fonds des clients qui n’avaient terminé d’avaler les leurs. Elles sourient toutes les quatre, liées par la même chose, liées par le même plaisir et la même douleur, liées par l’éloignement et le partage. Liées par le sentiment d’abandon autant que celui de dépendance et celui du rire à deux ou plusieurs. Des coeurs qui battent en choeur, les doigts attrapent une chips ou deux, informes pour faire passer le vin choisi un peu au hasard. Quatre femmes. Et des rires et des mots que les gorgées délient. Des confidences sur la table au milieu d’un brouhaha de couples et d’amis. Qu’allons-nous devenir ou où allons-nous sinon dans notre propre mur. Rien d’autres que ce que nous sommes, une génération désengagée et désabusée, des trentenaires un peu merdiques. Quatre avenirs incertains, sur le fil, quatre avenirs remplis d’espoir, d’envie, de folie. Et le serveur ressert un verre en tendant la carte « vous voudrez bien un carpaccio » demande-t-il. La folie dis-tu c’est ce qui guette quand il ne reste plus rien de l’espoir qui te tient encore debout, plus rien de celui avec qui tu es non plus. Rien non plus de l’amour qui remplit tes jours, pas le grand amour, le simple amour de l’échange, c’est cette force qui fait de toi celle que tu es aujourd’hui dit la rousse. La blonde répond que non. La folie c’est ce qui guette celui qui ne sait plus pourquoi il se lève le matin. Disserter sur la folie, plier sa serviette en papier et attraper le verre à pieds mal lavé où des traces de doigts se mélangent à des traces de rouge à lèvres de la précédente buveuse de vin blanc, rosé ou rouge. Nous ne sommes que quatre parmi tous les autres. Nous ne sommes que nous parmi le reste. Nous ne sommes rien d’autre que cela mais c’est ce qui vaut tout. Peu importe que nos vies amoureuses soient bancales. Peu importe aussi que nos avenirs soient incertains du moment qu’ils existent. On ne dit pas tout de la souffrance mais elle se lit facilement quand on aime. On ne dit pas tout de la souffrance parce que c’est inutile. C’est aussi pour ça qu’elles ne parlent pas beaucoup ce soir finalement. À quoi bon verser ses craintes dans un verre à moitié vide puisque nos avenirs sont dans un verre à moitié plein. Ils sont encore là pour faire aimer ce qu’il reste de leurs vies. Oui, reprenons un verre voulez-vous. Elles sont quatre mais pourraient être dix, douze ou même vingt.