Devenir adulte(s)

Un éternuement, un deuxième. Un troisième. À batons rompus nous discutions de tout, de rien, mais surtout de tout. Et ta soeur, comment va-t-elle ? Je l’avais lancé sur un sujet qui allait nous occuper bien un quart d’heure. J’écoutais, religieusement mais n’étais pas la seule. Nous étions un peu moins d’une dizaine à table, à rire de nos ennuis et à s’émouvoir des nouvelles de chacun. On sentait la fatigue poindre chez certains. Les yeux qui commencent à piquer et les bâillements arriver sur les visages, après presque cinq heures de diner. Qui aurait pu dire que nous prendrions le temps d’une soirée pour se revoir, qui aurait pu penser que malgré les carrières divergentes et les familles qui se sont constituées au fil des années nous nous serions retrouvés attablés ensemble à rire et à pleurer ?

Nous nous étions dit il y a bien longtemps que nous avions vécu bien trop fort pour se séparer et oublier qui nous avions été, légers et insouciants, alors loin de penser que nous ressemblerions à nos cons de parents. Je regardais chacun d’entre nous. Je n’étais plus là, j’avais fermé toute porte d’entrée et paré quelques remparts autour de moi, pour, égoïstement, profiter de ce que je voyais en face de moi, à mes côtés, de part et d’autre de la table. Quelques verres se levaient à mesure que les secondes s’écoulaient et des sourires se dessinaient le long des lèvres de mes convives. Satisfaite. De qui nous étions devenus, de vieux cons de jeunes parents à se soucier de la toux d’un de leur gamin et des retards de lecture d’un autre, de l’endroit où ils vont passer leurs prochaines vacances et de la robe à enfiler pour le mariage de l’un de nous. Qui aurait pu dire qu’on deviendrait aussi chiants que nos vieux cons de parents ?

Il n’avait toujours pas terminé de raconter sa soeur mais nous étions bien de l’entendre parler, nous étions bien d’être ensemble, simplement. Le temps d’une soirée, nous avions 25 ans, comme c’est loin, le temps d’une soirée, nous étions célibataires et nos conjoints ou compagnes à garder les enfants. Excepté quatre d’entre nous, en couple avec l’un de nos pairs. En me levant pour aller chercher une bouteille d’eau et une autre de vin, je passais la main dans ses cheveux. J’avais toujours aimé cette texture, et l’implantation étrange aussi. Un visage s’est levé vers moi, un clin d’oeil et un hochement de tête, je savais qu’elle aimait ça de nous, ni trop proche et pourtant jamais bien loin de l’un ou de l’autre, nous avions ce charme discret des couples qui s’aiment avec une simplicité évidente. Toiser le monde sans jamais le mépriser, dans une sorte de bulle étanche à la routine, étanche aux absences, étanche à toute forme de banalité crasse qui écrasait certains des couples parfois. Certes, ça pouvait agacer mais nous n’en avions rien à foutre.

Elle est arrivée dans la cuisine. Je suis heureuse tu sais m’a-t-elle dit. Je l’avais connue divorcée une première fois et avais assisté à ce qu’elle appelait le second. Pas le deuxième reprenait-elle systématique, le second. J’ai récupéré ma fille une semaine sur deux, je ne pleure plus quand elle part, je sais qu’elle reviendra vite a-t-elle murmuré. J’ai hoché la tête en attrapant la bouteille d’eau, tu sais elle t’en voudra quand même de l’abandonner le lundi matin à l’école, je lui ai répondu, maladroite, comme toujours. Je me suis insultée intérieurement. Elle me regardait en souriant, enfant du divorce comme moi, elle comprenait ce qu’abandon voulait dire. Je m’arrange pour caler mes déplacements quand elle n’est pas là.

J’allumais une cigarette, de loin, on entendait le brouhaha de la conversation, il parlait de son beau-frère et racontait les exploits mémorables de ce dernier avec une ironie non feinte. Tu as raison, je lui ai répondu, mais comment fais-tu pour les imprévus ?

Nous avions le même métier, de ceux qui ne laissent pas de place à la vie personnelle et qui nous empêchait aussi de nous faire comprendre de notre entourage, lassé de nous voir chercher des solutions pour concilier nos horaires improbables à notre vie familiale. Qui faisait aussi en sorte que nous reproduisions une certaine homogamie dans nos rencontres amoureuses et amicales. Qui d’autre pourrait comprendre nos annulations de dernière minute ? Qui d’autre aussi pouvait assimiler que certaines choses primaient sur d’autres au détriment de notre vie personnelle. La passion dirigeait le reste et nous étions heureux comme ça puisque nous avions épousé nos métiers.

J’ai trouvé une nounou adorable, disponible en urgence. La petite accroche bien et moi aussi. Et c’est tant mieux.

Elle avait l’air soulagée, elle sortait la tête de l’eau, elle prenait plaisir à ces moments de répit et de repos, elle pouvait à présent regarder plus sereinement qui elle avait été, et qui elle était. Bien loin de ces cinq dernières années.

Je n’avais pas envie que la soirée se termine, j’aurais voulu que, là, le temps s’arrête, pour que chacun d’entre nous puisse mesurer à quel point nous étions devenus des adultes. Parfois, souvent aussi chiants que nos vieux parents. Alors en revenant m’asseoir à table, j’ai pris le temps de regarder tous les visages et d’en observer les marques du temps. Nos sourires, eux, n’avaient pas changé. Ils étaient toujours aussi francs et sincères.

Le découragement

Une orange, un citron, du beurre et une tasse pour ton café – la cafetière faisait ce bruit atroce qui indique que le café est en train de couler – avec deux sucres sur une coupelle. Le jour ne s’était pas encore levé sur ta journée. En regardant le tapis du salon, j’ai découvert une poignée de cheveux bruns. Que j’ai laissée par terre, je t’imaginais dire qu’ils n’iraient pas tomber plus bas, et tu n’avais pas tout à fait tort. Ils n’allaient pas disparaitre non plus et je me doutais qu’en rentrant ce soir, ils n’auraient pas bougé.

La ventilation de la salle de bain venait de s’arrêter, enfin, quand je me suis souvenue qu’il fallait que j’attrape le fond de teint. Quand on allumait la lumière la ventilation se remettait en marche pour dix minutes. Je ne comprenais pas comment tu pouvais ne pas l’entendre. Les cachets te rendaient-ils sourde ? Je ne connaissais plus tes souffrances que tu cachais de plus en plus et pourtant j’estimais à juste titre que tu te devais de me parler, de m’expliquer, que je prenne une partie de ta douleur pour mienne et que, malgré tout, je puisse rester à ma place, comme quand tu étais petite et que rien ne pouvait t’arriver de plus méchant qu’une égratignure après une chute un peu brusque à vélo. Au lieu de ça on se ne parlait presque plus, on s’ignorait, moi parce que je ne savais pas quoi te dire et toi parce que tout ce qui venait de moi ne pouvait être qu’une erreur.

Je ne sais pas de quoi tu souffrais le plus, quoi de tes silences ou de ton visage renfermé était le plus difficile à accomplir. C’est si terrible d’accepter la main que je te tends ? C’est si terrible de penser que je ne suis là par amour plus que parce que j’y serais obligée  ? C’est si grave de se laisser aider par quelqu’un que tu crois détester ? Nos différences se sont creusées avec le temps, nos vies ne sont pas les mêmes, je n’aspire pas à ce que tu sois la plus brillante, j’espère seulement que tu prends tes décisions en accord avec ce que tu es et qui tu es. La ventilation de la salle de bain s’était enfin arrêtée et je me suis assise sur le canapé. On avait si peu d’années d’écart. J’ai regardé ton petit déjeuner avec tristesse et ton manteau posé sur l’accoudoir du canapé avec agacement de ce que tu n’écoutais plus quand je te demandais de ranger tes affaires dans le salon. De la poche gauche sortait Le découragement. Tu en avais parlé à ton frère au téléphone hier soir quand il t’a demandé comme tu allais, j’avais collé mon oreille à la porte de ta chambre pour entendre. Une histoire sur comment est-il possible d’écrire le découragement. Ce sentiment que tout glisse sans que tu ne puisses enrayer quoi que ce soit. Quelque chose que tu semblais avoir avalé en quelques heures, loin d’être abattue par la fatigue du traitement. De temps en temps tu as dis être découragée, murmuré, là, au bout du fil du téléphone, tu confiais à ce jeune homme tout ce que tu ne me disais plus.

Le café était prêt, le jour n’était toujours pas levé et tu dormais à poings fermés dans ta chambre d’adolescente, la musique de ton réveil s’était mise en route sans que je ne sache pourquoi tu avais décidé de te lever. La mer n’était pas très loin après tout.

J’ai attrapé mon sac, de peur de te croiser au moment où tu sortirai de ta chambre, il fallait que je parte. Un dernier regard vers ton petit-déjeuner. J’ai refermé la porte sur ton matin et, la main tremblante, j’ai serré Le découragement contre moi.

Quelques portraits au Salon du livre.

Zoé Shépard au Salon du livre de Paris, auteure d’Absolument débordée, entre autres.

aurelien bellanger salon du livre paris
Et puis aussi Aurélien Bellanger, celui qui a commis ça et La théorie de l’information

raphael enthoven salon du livre paris
Raphaël Enthoven, philosophe de son état.

florian zeller salon du livre paris
À côté de lui on pouvait croiser Florian Zeller.

Puis vous verrez Christiane Taubira, j’ai tranché.

Morphine

Je suis rentrée. Deux sacs plastique a la main me cisaillaient les doigts et le cinquième étage me paraissait bien loin. Digicode. Première porte. Digicode. Deuxième porte. Escalier au fond de la cour. Dix-huit pas et digicode troisième porte. Les épaules en souffrance, le coude gauche bloqué par le poids d’un des deux sacs. Le téléphone vibrait dans ma poche de manteau. Je voyais ma mère face à mon visage de petite fille : « ne mets rien dans tes poches qui puisse les abîmer« . Je l’ai laissé vibrer et j’ai chassé ma mère de devant mes yeux.

Au quatrième, j’ai fait une pause. La porte des voisins était décorée pour l’anniversaire de leur petit dernier, sept ans et une dizaine de gamins allaient venir souffler dans des ballons et manger du gâteau au chocolat. L’obésité du gamin ne faisait aucun doute : à chaque fois que je l’avais croisé un paquet de chips à la main, j’avais eu envie de gifler sa mère ou son père. En espérant qu’ils aient une salade de fruit pour souffler ses bougies. Un kiwi chacun, deux bougies en forme de clown et on en parle plus. Cinquième. La lourde porte, les clefs au fond de mon sac, le chien qui sautait derrière, ravi de me revoir. Abruti. Cadeau de ma mère. Abruti.

Vous êtes pertuellement en colère m’avait dit mon analyste.
Tout a fait. D’ailleurs je vous emmerde je lui avais rétorqué.
Je n’en attendais pas moins elle avait répondu, calmement.
Fin de la séance et c’est la que je m’étais trouvée à errer dans les rayons du supermarché. J’aurais pu en conclure que j’avais été grossière et bien impertinente mais c’était fatigant de tirer des conclusions de qui j’étais en ce moment.

Le chien grattait le bas de la porte pendant que je cherchais les clefs. Ouvrir, repousser le chien, poser les sacs sur le marbre de la cuisine, balancer mes chaussures dans le salon, accrocher mon manteau à la patère et m’effondrer sur le canapé. J’ai cherché des yeux la télécommande de la chaîne hifi. En vain. Le téléphone portable vibrait toujours dans la poche du manteau accroché. En me levant je me suis pris les pieds dans les jouets du chien et ai manqué de me ramasser. Même pas un merde à sortir de ma bouche. J’avais l’impression d’avoir les cordes vocales scellées l’une a l’autre.

J’ai monté le chauffage à fond et me suis allongée sur le lit défait. Sur le dos j’avais cette facon particulière de joindre les plantes des pieds l’une contre l’autre façon grenouille. Ça ne faisait pas rire le chien qui me regardait étrangement, le regard plein de questions que peut se poser un chien. Pas énormément donc.

Mon corps était une souffrance. Aucun endroit qui n’hurlait pas soulage-moi. Les mains cisaillées par les sac. Les épaules tendues, les trapèzes aurait dit mon ostéopathe. Les yeux qui brûlent. Les joues rougies à cause du froid, les lèvres gercées, les mains bleus et les ongles striés. La cage thoracique en feu, la température du corps qui essayait de se mettre comme il faut. Et puis le bassin vide, seul, sans rien d’autre qu’une solitude à couper le souffle. Les genoux capricieux, les crampes dans les mollets, la douleur dans les tibias, la plante des pieds abimée de trop marcher. Pas un seul endroit de mon corps ne me disait pas arrête-toi là tout de suite s’il te plait. Chaque parcelle de peau hurlait de douleur. Vous somatisez expliquait mon généraliste. Peut-être. Sûrement même. Je ne sais pas ce que je somatisais mais ça ne ressemblait en rien à ce que j’avais connu avant.

En scrutant le plafond je voyais les défauts de la peinture, les moulures et le lustre. Le téléphone vibrait toujours. Je me suis levée. Calmement. J’ai attrapé le téléphone et l’ai projeté contre le mur qui donnait sur la salle de bain. Le bruit du smartphone qui explose n’a pas son pareil, c’est le bruit de l’absence et du trop, c’est la fin qu’on obtient, qu’on savoure, qu’on jouit. Le chien interloqué avait levé la truffe de son panier, mais guère plus. Je me suis assise sur le lit et j’ai compté les cachets de morphine dans leur emballage. Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit. Jusqu’à quarante-sept avec plusieurs boîtes. En les étalant les uns à côtés des autres, j’ai compris ce dont j’avais besoin. Cette coupure, ce nécessaire, cette respiration, cette fuite. J’ai regroupé les comprimés et les ai entassés dans mon pull relevé de sorte que ça leur faisait une petite cuvette de laine. Quand on regarde depuis le velux de la salle de bain, on peut voir les arbres du parc en bas et le clocher de l’église. Un à un j’ai jeté chacun des comprimés de morphine dans la cuvette des toilettes. Après chaque chute, j’ai tiré la chasse d’eau, satisfaite. Quarante-sept fois. Cette merde ne traverserai plus jamais la moindre parcelle de mon corps.

J’étais prête à somatiser pour quelque chose de plus douloureux encore. La souffrance du manque.

L’armée de petits soldats

C’est l’histoire d’une armée de petits soldats disloqués, les membres mous, les gestes las d’être répétés aussi souvent du soir au matin. Qui gobe les pubs autant qu’elle avale sa peine et la boit cul sec attablée avec d’autres petits soldats. La même armée instaure une position défensive. Face à l’amour même pas peur ! On se fera jamais avoir hein. Face à la mort jusqu’à la première perte c’est loin c’est rien. Ils avancent tête baissée le matin dos courbé le soir, attrapant le dernier métro le premier bus de nuit ou les clefs de la voiture après une soirée avec un petit groupe de l’armée. Souriants, optimistes et volontaires, asservis à la cause d’une vie épanouie et chargée, remplie de tout mais surtout de rien. Rêvant de ne jamais marcher sur leurs idéaux pourtant piétinés en douceur avec toute la violence que la société leur accorde alors qu’ils veulent penser différent sans faire partie de la masse. Ils sont nombreux ils sont des milliers à avancer à gober à boire à sortir à rire à travailler avec pour aucune autre injonction que celle de ne pas marcher dans le rang en même temps que le reste de leurs congénères. Toujours un temps d’avance toujours plus vide ce qui est vieux de quelques jours n’a d’autre valeur que celle qui est assénée à celui qui est en retard. En retard sur quoi ? Où vont-ils ?

La petite armée de soldats disloqués aux gestes nonchalants brasse l’air aussi rapidement qu’elle le peut, aussi promptement qu’on le lui demande. Parfois elle se retourne et retrouve ses souvenirs anciens où elle pensait révolutionner le monde et changer la planète, sauver les populations de la famine et les enfants malnutrits au ventre gonflé, faire cesser les guerres. Et puis c’est la loi de proximité ou le mort kilométrique qui ouvre les journaux de 20 heures. Il est loin le temps insouciant où elle pouvait penser l’armée sans se prostituer socialement pour pouvoir de loger. Il est loin aussi le temps chez papa et maman où le seul souci de la diversité dans l’assiette primait sur le reste. Depuis, l’armée de petits soldats disloqués a pris le chemin de sa vie d’adulte responsable.
Alors elle gobe les pubs et avale sa peine en buvant cul sec attablée avec ses semblables.

Un jour je partirai

Monter les marches en sortant du métro et penser à elle. Doucement, sourire, un peu tristement aussi, à cause de la distance. Tu es loin et je me sens vide. Se voir une fois par an. Ou deux. Mais c’est toujours insuffisant en réalité. Refaire le monde, sur la terrasse, là, dans le jardin, au soleil et sous le vent qui fait bouger les plantes fleuries.

Les deux chaises en bois, le café qui refroidit dans nos tasses, les clopes roulées et les blondes toutes faites, nous ont accueillies de nombreuses heures depuis toutes ces années. Nos années un peu folles, nos entrées dans l’âge adulte, celui qui montre bien que tu ne pourras jamais revenir en arrière. Les premiers impôts que tu paies alors qu’on avait avant une seule idée en tête, ne jamais oublier de respirer. Marie tu me manques. J’aimerais partager avec toi ce que je ne partage avec presque personne d’autre. Les versions édulcorées que je leur sers suffit amplement pour ce que je partage avec eux, personne ne mérite que je leur raconte mes cris, mes rires et mes larmes avec la même intensité que celle qui t’est réservée. Alors en dehors de nous, je ne parle plus. Avec toi c’est sans détours, sans omettre le moindre détail.

Avec nos sourires et la pluie, petit crachin breton qui manque à mes jours parfois. Souvent en ce moment. J’ai peur d’oublier les lignes de ton corps, les contours de ton visage même si les photos que je peux voir me font penser que jamais je n’oublierai la moindre ridule d’expression de tes mimiques ou de tes grimaces. Nous faisons toujours les mêmes promesses que la candeur de notre adolescence nous permettait. Nous évoquons toujours nos amours et nos emmerdes, comme si c’était hier.

Je viendrai, pour qu’on puisse marcher le long de l’eau, au soleil ou sous le pluie, qu’on écoute de la musique dans la voiture, qu’on puisse boire un verre de vin non loin du port. Je quitterai le gris de Paris pour te rejoindre. Je partirai loin d’ici pour quelques heures saines à tes côtés, en versant quelques larmes sur le quai de la gare. La distance est injuste alors je partirai pour la réduire, je prendrai une place en première et tu riras sans doute quand je te raconterai ma vaine tentative de goûter à la plaisante solitude des wagons de première classe : depuis tous ces aller-retours, tu sais que le train en seconde est aussi bruyant que la première et que « ceux qui payent plus cher ne sont pas toujours ceux qui sont les mieux élevés« .

On passera des moments heureux.

Et puis elle me ramènera à la gare, jusqu’à la prochaine fois. « Je reviendrai » je pleurerai dans ses bras. En montant dans le train, j’aurais du sable plein les poches et des coquillages dans le sac à main. Un jour je partirai, pour ne plus jamais avoir à revenir. Pour ne plus jamais être loin.

C’est un texte sur le Go de FranchRedFrog.

Tu vois chère amour

Tu vois mon amour, je ne suis guère en phase avec la névrose, le temps, la mort, les gens. Je n’ai que faire de ton ingratitude et de cette incapacité tenace à remplir le vide que tu crées autour de toi. Tu vois chère amour, je m’envole de plus en plus avec le vent et avec moi cette conviction qui chaque jour grandit de celui qui ne veut compter ce et ceux qu’il aime. Je trace des sillons avec chaque pas que je fais pour que quand je me retourne à la manière du Petit Poucet et de ses cailloux je sois en mesure de retrouver un semblant de chemin. Pour savoir pourquoi et comment j’en suis arrivé là. À vrai dire tendre amour, nous ne sommes finalement l’un pour l’autre rien d’autre que celui et celle qui marchent à côté sans rien se dire, sans maudire. Nous n’étions pas comme ça, nous nous sommes aimés, vraiment, sincèrement. Et puis j’ai changé tu sais.

Tu vois mon amour, je ne souffre presque plus de ta présence incertaine et de tes réponses laconiques. On dit les hommes torturés et enfantins, loin de la réalité. Incapable de s’engager dans autre chose qu’un compromis à la légère. C’est mal me connaître chère amour. J’aurais voulu construire, j’aurais voulu t’aimer autant que toi. Mais j’ai changé tu sais. J’ai posé ma valise, j’ai cessé de partir pour un oui. Pour un non. Je me suis construit au moment où tu commençais à détruire tout ce que avais voulu de nous. Alors je me suis assis de plus souvent à côté de toi, ma main sur ta cuisse, j’ai regardé le blanc de tes yeux quand tu pleurais en regardant un film triste. Je n’ai plus jamais eu envie de pleurer. Tu m’avais montré ce que jamais je ne voulais faire de nous, un duo bancal. En m’asseyant sur le canapé en cuir qu’on avait acheté à deux, j’ai pris la mesure de ce que tu voulais dire par ta folie m’encombre. Ma folie c’est un pan de ma vie, c’est l’espoir d’être quelqu’un d’entier, quelqu’un à part entière, quelque qui aime, vit et rit sans compter. Tu vois je suis plein d’espoir. C’est un nouvel élan pour moi, j’espère que tu comprends.

J’attrape mon verre avant de clore cette missive, une gorgée d’un vin unique. On dit souvent que les écrivains sont alcooliques. Je n’y peux rien mon amour. Tu vois les doigts glissent sur le clavier à une vitesse folle, ce que je veux te dire, ce que je pense, le tout grouille dans mon cerveau, la musique dans ma tête n’est qu’un amas de mots qui s’alignent automatiquement. Cette tendresse ressentie pour toi s’est étiolée , elle a filé et j’ai peur de la contagion tu sais. Je t’aime mon bel amour. Ou peut-être que je t’ai seulement aimée.

PS : garde le chien.


Une certaine vision de l’espoir, mot glissé par Jean-Noël.

L’enfance inadaptée

Maxime m’a ramené son carnet de correspondance. Penaud. Du haut de son mètre vingt, il avait les yeux tristes et le fameux carnet corné à la main. Papa a murmuré le gamin, j’ai eu un mot. Un mot qui dit quoi j’ai demandé en continuant d’éplucher les carottes pour la soupe maison que j’étais en train de préparer. Manon se foutait de ma gueule quand je faisais ce genre de trucs, elle estimait que je perdais un temps fou à faire à manger alors que de mon côté c’était l’exutoire d’une journée de merde, encore une que je devais encaisser chaque jour ouvrable que Dieu nous pondait. Donc ce mot en réalité était l’énième que sa mère ou moi devions signer depuis qu’il était arrivé dans cette nouvelle école. Quitter le système scolaire auquel il était adapté, une sorte d’école d’enfants surdoués mais pas que, lui avait mis depuis la rentrée quelques bonnes claques. Non, on ne pouvait pas demander à faire ce que faisait les CM2 de sa classe à deux niveaux. Non, on ne pouvait pas ne pas suivre la méthode de calcul imposée par la maitresse, quand bien même elle ne convenait pas à mon fils. À vrai dire Manon et moi on commençait à être fatigués l’un et l’autre de ne pas savoir expliquer à la maitresse que notre fils était un peu différent, un peu autre que la majorité de ses camarades, et ce même si les 23 autres enfants avaient eux-aussi leurs particularités. On savait que gérer chaque enfant pour ce qu’il était et pour ce qu’il pouvait demander relevait de l’impossible. Mais de notre côté nous pensions que la maitresse ne récoltait que ce qu’elle pouvait semer : notre gosse ne faisait rien d’autre que d’essayer de s’occuper alors que l’ennui le guettait. Que voulez-vous faire de Maxime, un an d’avance mais plus petit que les enfants de son âge, qui terminait tout plus vite que les autres et qui de fait sortait parfois un livre une fois qu’il avait terminé l’exercice ? Ou qu’il posait son menton sur ses bras repliés en rêvassant ? Je ne m’étais pas vraiment trompé cette fois encore.

Le mot, là, c’est parce que j’ai dessiné sur mon cahier, là, la page de droite parce que je savais plus quoi faire. J’ai écrit aussi à côté. Mais Papa, j’avais terminé !
On fait quoi de mon gamin ?
Je sais Maxime. Je vais signer le mot. Avec Maman on a déjà vu la maitresse, je crois qu’elle n’aime pas trop que tu ne fasses pas comme les autres, que tu poses trop de questions auxquelles elle ne peut pas répondre, c’est pas qu’elle ne veut pas mais elle ne peut pas répondre à tout le monde, tu vois ? Quand tu t’ennuies, prends ton carnet que Maman t’a offert et écris et dessine dessus autant que tu veux, c’est le tien, d’accord ?
Mais je ne peux pas lire non plus ?

Que voulez-vous que je réponde à ça. Mon fils, 8 ans et son mètre vingt, cherchait à occuper les temps longs où il avait terminé l’exercice mais ne pouvait pas avancer sur la suite et me demandait si toutefois il ne pouvait pas lire. La dernière tentative avait provoqué chez la maitresse une ire affreuse : non seulement elle avait confisqué le livre de mon fils – un truc du style d’Harry Potter en plus moderne – mais elle nous convoquait en plus parce qu’elle avait pris ça pour de l’insolence. Nous étions allé au rendez-vous fixé, Manon avait pris une heure ou deux je ne sais plus sur son temps de travail puisque le samedi l’école est vide de ses maitres et maitresses, et moi mon après-midi, j’en avais profité pour faire des cookies pour le goûter des enfants et quelques courses pour le diner du soir. À reculons, nous avons pénétré la classe et nous nous étions assis sur les chaises des enfants devant la maitresse sur son bureau démesuré. Nous avions l’air ridicule et j’étais à deux doigts de pouffer : je mesure à peu près 1m90 et Manon un bon mètre 70 voire 75 avec des talons. Autant dire que nous étions dans cette classe des intrus. La maitresse a commencé par expliquer que Maxime ne faisait aucun effort pour suivre ses camarades, qu’il ne participait pas à la vie de la classe, tout ça parce qu’il se sentait supérieur. Pour avoir vu Maxime rentrer en larmes plus d’une fois depuis qu’il était arrivé dans sa nouvelle école, je doutais sincèrement de son sentiment de supériorité. Il ne parlait pas avec les autres, d’ailleurs il ne parlait quasiment pas tout court. Quant au fait de suivre ses camarades, elle expliquait qu’il ne se mettait jamais au même rythme que tout le monde pour terminer en même temps qu’eux. Manon commençait à bouillir, je le sentais tellement que j’ai pris sa main avant de prendre la parole.

Chère madame je lui ai dit. Plusieurs fois Maxime est rentré malheureux de l’école, vous comprenez, malheureux, à en pleurer et refuser de manger parce qu’il s’ennuie et parce qu’il ne comprend pas pourquoi il ne peut pas avancer à son rythme. C’est là que je me permets de vous demander madame pourquoi, je dis bien pourquoi, il devrait ralentir le rythme pour suivre le même que ses camarades ? Qui dérange-t-il en lisant son livre alors même que, visiblement, vous ne lui reprochez pas de ne pas avoir terminé mais d’avoir terminé trop tôt ?

La maitresse, ennuyée par ma réponse mais pas tellement s’est alors tournée vers Manon pour lui demander ce qu’elle pensait de tout ça. J’ai entendu Manon lui répondre que Maxime venait d’une école au fonctionnement différent et qu’il fallait du temps pour qu’il s’adapte à une école qui ne prenait pas en compte les individualités de chacun et que c’était bien dommage mais que c’était comme ça. De notre côté, je ne forcerai pas mon fils à être moins stimulé et plus lent parce que ses camarades le sont moins que lui, c’est absurde a-t-elle ajouté.
Manon qui d’ordinaire détestait tout ce qui ressemblait à un conflit entre la parole d’évangile d’une maitresse ou d’un maitre et celle d’un parent ignare se rebellait. Je n’en revenais pas.
N’y avait-il pas des possibilités d’adaptation pour Maxime, comme de suivre le niveau supérieur ? J’ai demandé naïvement.
Si vous pensez par exemple à ce qu’il suive le programme des CM2 au lieu de suivre celui des CM1, je ne trouve pas ça absurde. Seulement, comprenez qu’il y a des chances pour qu’il ne parvienne pas à se mettre à niveau et qu’il soit malheureux.
Madame c’est aujourd’hui qu’il est malheureux, qu’il se sent en marge des autres enfants et qu’il pleure en rentrant parce qu’on lui refuse de lire un livre alors qu’il a terminé ce que vous lui aviez demandé de faire. Mon fils s’ennuie et demande d’avoir des choses plus difficiles à faire. Il mettra sans doute moins de temps qu’il n’en met aujourd’hui pour des exercices qu’il termine trop tôt par rapport aux autres.

La maitresse avait l’air plutôt convaincue par nos arguments et je comprenais les siens : s’adapter à autant d’enfants n’était pas possible. Mais Maxime pouvait bien se gérer seul, calmement, sans ennuyer les autres et le bon déroulement de la classe. Il n’était pas adapté mais il n’était pas chiant non plus. Bref après cette petite réunion, la maitresse était rassurée sur notre envie que ça se passe bien – en même temps on avait pas vraiment le choix, près de chez nous il n’y avait pas d’école de type Montessori ou Steiner – et nous pensions qu’elle avait pu comprendre que les difficultés de Maxime venait surtout du fait qu’il était différent et essayait de s’adapter dans un univers bien étrange que celui du formatage. Habitué à la liberté dans l’apprentissage il était à présent obligé de s’inscrire dans un programme précis, cadré et sanctionné. Alors même que la liberté lui avait donné l’envie d’apprendre et d’aimer apprendre il fallait qu’il renonce et rentre dans les rangs. C’était du temps dont il avait besoin. En sortant, Manon a repris ma main, je lui avait lâchée un peu quand même et m’avait fait un signe de tête. Elle a compris a-t-elle souri.

Visiblement non, puisque d’autres mots avaient fleuri sur le carnet de correspondance de Maxime. Celui-là venait couronner le reste. Pas de bras croisés sur la table, pas de livre sorti non plus. Ne parlons pas d’entretenir l’imaginaire de Maxime en le laissant crayonner et dessiner à loisir sur un cahier appartenant à l’école. Manon lui avait offert , en prévention elle avait bien eu raison, un petit carnet noir à spirale avec une page blanche et une page avec des lignes. Mon gamin n’était ni turbulent, ni bavard, ni pénible, ni insolent, il n’était juste pas fait pour l’école telle qu’elle existe. Est-ce un crime ? Dans l’école précédente il était différent de tous les autres mais aucun des gamins ne ressemblait à un autre. Pas plus de moyen, juste une pédagogie différente. La norme c’était d’être différent, ne pas obéir aux règles mais les comprendre en amont pour pouvoir les appliquer, penser aussi par soi-même. Maxime avait été épanoui ses premières années de scolarité. J’ai bien l’impression qu’on se dirige vers des années de galère avec ce gamin en avance. Quelque part j’étais fier qu’il soit différent, j’étais fier de le voir réfléchir à tout et sur tout. Parfois j’en avais un peu marre. Sa soeur ainée avait fonctionné dans le système classique. Mon fils passait pour un extra-terrestre. Et c’était parfois fatigant.

Lui & moi

Lui et moi. On avait décidé qu’on allait s’aimer. Lui & moi. Pour une fois j’avais pas décidé d’aimer toute seule, comme une pauvre conne à gratter à sa porte la nuit à 4 heures du mat’ parce qu’il m’avait envoyé le texto qui faisait que je prenais rapidement une douche et attrapais un taxi. Et débarquais fraîche devant cette fameuse porte close, un paillasson Bienvenue juste devant. Le paillasson aurait dû me mettre la puce à l’oreille et pourtant j’accourais comme un chien (une chienne ?) qu’on sifflerait. Ce sombre con avait partagé quatre mois, peut-être cinq ? Ou six ? Je ne sais plus. De ma vie. Un type adorable je disais à tout le monde. Adorable mais qui a fini par jeter mes affaires un matin, mon sac, mes chaussures, mon manteau, sur ce fameux paillasson en me disant « putain j’ai peur de l’engagement laisse tomber, je peux pas te faire subir ça ». Au suivant.

Même principe, ce suivant. Sauf que c’était à mon tour de jeter ses chaussures sur mon propre paillasson pour ce problème d’engagement. À croire qu’ils s’étaient donné le mot. Tocard. S’engager pour quoi ? Qu’est ce que j’avais bien pu montrer qui a fait qu’un jour l’un puis l’autre puis les autres avaient cru que je m’engagerai dans quoi que ce soit. Tenir un agenda c’est compliqué pour moi vous savez. Prévoir d’un mois sur l’autre ce que je vais bien pouvoir faire de ma vie, encore plus. Projeter des vacances six mois avant pour booker des réservations, comment dire. Donc l’engagement.

Et puis Lui. Lui & moi. L’amour avec un grand A j’aurais pu expliquer à ma grand-mère si elle avait été encore de ce monde. L’amour. En vrai on avait pas décidé de s’aimer. On n’avait rien décidé du tout, ça nous est tombé dessus sans que ni lui ni moi ne s’attende à quoi que ce soit. Les premiers verres, les premiers émois, les joues qui rougissent, les heures devant la glace à se changer, se frôler le bras et retirer sa main un peu trop proche de la sienne. Rencontrer sa soeur sans avoir effleuré ses lèvres. Rougir encore. Et puis s’embrasser, doucement, prudemment un peu comme si on allait fondre l’un et l’autre comme deux cons sur ce bout de trottoir. On a pas fondu, on a continué d’avancer à deux. Une semaine, puis la deuxième, et la troisième et ainsi de suite jusqu’à six semaines. Je cherchais toujours le vice caché. Je ne le trouvais pas. Lui & moi on a revu sa soeur alors que nos corps s’étaient entremêlés. Après un temps fou donc. Je ne voulais pas revivre le coup de la porte qui se claque sans avoir vu venir les choses.

Semaine sept, la première dispute. Pour une couleur de pull. Je ne parvenais pas à assortir un superbe pull avec des chaussures pour sortir. Une heure après, j’avais changé de pull et enfilé de grosses chaussettes en laine sur un legging : je n’avais plus envie de sortir, il faisait froid et lui commençait à m’emmerder. Donc je me suis posée devant une série pourrie. Et lui est sorti. Un peu énervé mais pas tant que ça.

Donc lui & moi. L’engagement c’est aussi accepter de l’autre sans rechigner qu’elle porte un legging pourri et des chaussettes dans un état similaire. Avant lui – et après les autres – j’avais enlevé le paillasson, il devait porter malheur. On avait décidé de s’aimer. Et comme je tombe amoureuse dix fois par an, peut-être un peu moins, six fois si on compte l’an passé, la moitié de mes amis se foutait de mon aventure quand l’autre se demandait dans quel état ils allaient me retrouver (en l’occurrence comme souvent, une cuillère dans le pot de miel et toujours ce fameux legging, devenu gris avec les innombrables lavages). Je ne leur en tenais pas rigueur. Fin de la semaine sept, j’angoissais de savoir s’il allait m’appeler pour me demander si je pouvais acheter du pain. Pas une baguette mais du pain pour faire des hot-dogs mais cette question du pain à aller acheter m’angoisse, je ne fréquente plus les boulangeries autrement que pour acheter un pain au chocolat pour mon goûter si j’ai trop faim à 17 heures. Acheter du pain – même pour des hot-dogs – me ramène sans cesse à ma mère s’arrêtant tous les soirs acheter une baguette pour le dîner. Je suis comme ça.

Lui & moi pourtant on ne se prenait pas vraiment la tête pour ce genre de petits rien. il n’empêche, moi, cette organisation me plombait le moral à tel point que j’ai guetté avec une boule au ventre le moment où il appellerai pour me le demander. On en était au septième mois de l’année et j’étais tombée amoureuse de deux connards, un type malchanceux et d’un mec plutôt sympa. Tombée amoureuse de deux connards en sept mois c’est déjà un beau challenge à relever, je vous mets au défi de rencontrer trois personnes, de vous amouracher à chacune d’entre elle et de vous ramasser à la petite cuillère une fois le coup de foudre passé, terminé, fini, on passe à autre chose de toute façon il/elle était trop con/conne pour savoir reconnaître que je suis quelqu’un de bien. Trois connards donc, et lui. C’était inquiétant de tomber sur un type comme lui en réalité. Inquiétant parce que trop doux pour être vrai.

Avant ces deux histoires de je te mets tes affaires dehors alors qu’on habite pas ensemble et qu’un « finalement je crois que j’ai pas envie » aurait suffi compte tenu de l’attachement volatile que je pouvais avoir – même si oui j’avais été amoureuse à me façon de ces deux mecs-là – nous avons le numéro un de l’année, palme d’or de la lose tellement il a cumulé les merdes en trois semaines. Pas de paillasson dans l’histoire mais un chat que je haïssais et qui m’avait fait découvrir un allergie aux poils de chats. De chien aussi peut-être mais je n’avais pas testé encore. La première semaine charmante, le lieu de rencontre dont tout le monde rêve, enfin pas tout le monde mais moi peut-être pour ce côté très publicité pour les transports en commun. Quinze jours après, j’avais fait trois crises d’asthme, il avait développé un eczéma géant au contact de mon shampoing premier prix et avait été renversé à vélo. J’avais perdu mon job et ma grand-mère était en train perdre la tête. On avait découvert un cancer à son père et le fisc lui annonçait le montant de son redressement. En trois semaines, je me suis dit qu’à tout moment ma vie pouvait basculer. Il était donc bien plus sage que chacun continue sa route, loin l’un de l’autre. On est tombé d’accord. Je suis restée prostrée un bon moment. Non pas parce que nous nous étions séparés – trois semaines de relation, est-ce être ensemble – mais parce que je flippais à présent pour tout ce que je faisais. Traverser la rue était pour moi synonyme de danger à partir de ce moment-là.Et donc ensuite les deux histoires de paillasson. Et de carpette de mon point de vue. Lui & moi. J’ai cherché ce qui n’allait pas, fermant les yeux pour mieux réfléchir sur ce nous deux qui me faisait peut-être un peu peur. J’associais beaucoup le nous deux à ce magazine avec des romans photos.

Donc j’ai fouiné. J’ai réfléchi. Et il m’a appelée pour me demander d’aller acheter le pain pour les hot-dogs en rentrant. Je ne viendrai pas je lui ai dit, je ne viendrai plus.